Journal of the International Law Department of the University of Miskolc


Miskolc Journal of International Law

Miskolci Nemzetközi Jogi Közlemények

 

Vol. 5. (2008) No. 1. pp. 71-73.

 

Martti Koskenniemi: La politique du droit international
 

Ouvrage présenté par Anikó Raisz

 

« La politique du droit international » (Éditions A. Pedone, Paris, 2007) est un livre pour tous ceux qui voudraient découvrir le droit international sous un nouvel angle, et dehors des voies conventionnelles, sans pour autant  présenter quelque lacune ou manque de logique. Il ne s’agit pas d’un livre où l’auteur essaie de convaincre le lecteur de l’importance d’un concept propre au droit international ; les différents essais – collectés sous cinq grands titres – le font plutôt penser. Pour ceux qui ne sont pas juristes et ceux qui ne sont pas accoutumés au droit international mais qui s’interessent à ce qui se passe à travers le monde, ce livre est également un excellent choix. M. Koskenniemi – professeur de droit international à l’Université d’Helsinki et à l’Université de New York et membre de la Commission du droit international –, y traite les problèmes les plus intéressants de la politique mondiale actuelle, permettant même aux non-juristes de se tourner vers le droit international. 

Dans sa présentation critique située au début du livre, Emmanuelle Jouannet écrit sur l’auteur : « [il a] non seulement ‘apporté quelque chose à la pensée internationaliste’ mais a aussi révolutionné en profondeur la façon de penser le droit international. »[1] Quelques pages plus tard, elle continue : « Si bien que le droit international devient chez M. Koskenniemi un horizon indépassable, à la fois comme langage commun hautement formel mais aussi comme lieu possible des luttes d’émancipation et de reconnaissance des individus. »[2] Ces essais permettent pour la première fois à un public francophone de faire connaître l’œuvre du professeur Koskenniemi. 

La première chose qui apparait avec évidence, c’est le titre lui-même : « La politique du droit international ». Un titre tellement simple de prime abord, mais aussi tellement complexe. Son explication[3] est ici tout à la fois celle d’un praticien et de l’un des plus grands théoriciens et historiens du droit international. Cela vaut bien de le lire... lecture qui est d’autant plus intéressante que le style est captivant, clair, tout en restant informatif et rigoureux. 

Même les titres et sous-titres de ce livre nous invitent à découvrir ses idées. Ce livre est une collection de plusieurs essais, concernant « La politique de la sécurité collective » (p. 99), « La politique des droits » (p. 175), « Les possibilités et les limites du droit international » (p. 227) ainsi que l’ « Epilogue : l’esprit des internationalistes » (p. 359). Je voudrais également attirer votre attention sur quelques chapitres : « Entre Utopie et Apologie : la politique du droit international » (chapitre 1, p. 51), « ‘La dame fait trop de serments.’ Le Kosovo et le tournant vers l’éthique en droit international » (chapitre 3, p. 145), « Les droits de l’homme, la politique et l’amour » (chapitre 5, p. 203), « Entre impunité et procès spectacle » (chapitre 6, p. 227), « La foi, l’identité et la destruction d’innocents. Les internationalistes et les armes nucléaires. » (Chapitre 7, p. 263). Dans le dernier chapitre, il développe un sujet né voici quelques décennies et  toujours d’actualité - notamment pour les francophones -: « Perceptions de la Justice : des Murs et des Ponts entre l’Europe et les États-Unis » (chapitre 12, p. 409). 

M. Koskenniemi se risque même à poser cette question audacieuse : « A quoi sert le droit international ? » (p. 321). N’attendant pas qu’on lui jette la première pierre, il apporte sa propre réponse tout en restant éloigné d’un schéma instrumentaliste, et de manière à permettre au lecteur de former sa propre perception. 

L’auteur développe dans le premier chapitre - « Entre Utopie et Apologie : la politique du droit international » -  « une critique interne au droit international [...], une critique basée sur des prémisses elles-mêmes acceptées. »[4] Sa philosophie visible ici est vraie pour tous ses essais : « les arguments peuvent être développés sans fin ».[5] Ce chapitre ne satisfait pas seulement aux attentes des théoriciens et de ceux qui apprécient de trouver un fondement théorique ou historique au début d’un œuvre importante ; bien plus, suivant une vision moderne du droit, l’auteur est capable d’insérer des questions inhérentes à la pratique du droit international parmi les lignes de l’histoire juridique. Il examine tout de même diverses notions classiques telle que la souveraineté, tout en prenant soin de traiter avec rigueur et détail la jurisprudence internationale.  

Le chapitre 5 comporte sans aucun doute l’un des titres les plus provocateurs: « Les droits de l’homme, la politique et l’amour ». Ici, l’auteur essai de nuancer le ton négatif du chapitre précédent, en rappelant que « les droits de l’homme sont comme l’amour, à la fois impossibles et nécessaires. Nous ne pouvons pas vivre sans eux, mais nous ne pouvons pas non plus les posséder. [...] La routine tue l’amour, tout comme elle tue les régimes des droits ».[6] À mon avis, il décrit le cœur de la problématique des droits de l’homme lesquels veulent d’une certaine manière devenir indépendants de la politique où ils sont nés et intégrés. A la question « Quels droits possédons-nous ? », l’auteur tente de répondre à partir des évènements qui se sont déroulés durant ces dernières décennies. Il n’évite toutefois pas le débat regardant  l’universalité des droits de l’homme ; mais même cette problématique classique est insérée dans un environnement particulièrement moderne. 

« La foi, l’identité et la destruction d’innocents : les internationalistes et les armes nucléaires » se fonde sur l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les armes nucléaires en 1996. Même si l’on peut être sceptique quant à l’effet réel de cette décision sur la politique, la question des armes nucléaires est devenue, durant les douze dernières années, beaucoup plus importante : par exemple, les évènements actuels et tragiques dans l’un des pays possédant (officiellement) ces armes montrent que le simple fait d’une telle possession peut influencer la réaction de la communauté internationale envers un régime violant les droits de l’homme, dans une situation portant atteinte – indirectement – à la paix et à la sécurité internationale.  

Quelques essais du livre ont été tirés de documents présentés au cours de  différentes conférences – comme celui de « Perceptions de la justice : des Murs et des Ponts entre l’Eruope et les États-Unis ». Le style personnel de l’auteur devient ici particulièrement visible; et il ne craint pas d’évoquer certaines questions pertinentes non seulement d’un point de vue juridique mais aussi d’un point de vue politique, telles que la guerre irakienne ou d’autres points significatifs comme le Mur séparant Israël des territoires palestiniens. 

E. Jouannet considère M. Koskenniemi comme l’un des derniers romantiques du droit international. C’est peut-être pourquoi les juristes du droit international, après avoir lu cet ouvrage, pourront être tentés d’aller chercher ses autres œuvres. Et pourquoi laisser passer l’occasion de lire le dernier romantique du droit international ?

 


 

[1] Martti Koskenniemi: La politique du droit international, A. Pedone, Paris, 2007 ; p. 8

[2] op.cit. p. 32

[3] op. cit. p. 89 et suiv.

[4] op. cit. p. 51

[5] loc. cit.

[6] op. cit. p. 203

 

 


   

 

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